Le ministre de l’Environnement, de l’Eau et de l’Assainissement du Burkina Faso, Roger BARO, a assisté à la fête nationale de l’arbre, le samedi 3 août 2024, à la cérémonie officielle de la fête nationale de l’arbre. Dans cet entretien accordé au quotidien Le Sahel, dont nous vous proposons quelques extraits, Roger Baro évoque les bonnes relations qui existent entre son pays et le Niger et surtout la nécessité pour les pays de la Confédération Alliance des Etats du Sahel (AES) de travailler dans une parfaite synergie pour la prise en charge des défis environnementaux qui se posent à eux.
Vous êtes au Niger dans le cadre de la fête nationale de l’arbre, un événement important au cours duquel les citoyens plantent des arbres partout dans le pays et cela depuis au moins 50 ans. Quelle impression, cet événement vous inspire ?
Avant de répondre à votre question, permettez-moi de traduire mes plus vifs remerciements aux plus hautes autorités de la République sœur du Niger pour avoir associé le Burkina Faso à la célébration de la fête nationale de l’arbre le 3 août qui coïncide avec le 63e anniversaire de l’accession du pays à l’indépendance. Cette invitation est le témoignage qu’entre nos deux pays, c’est plus que de la fraternité, pour les actions de développement nous travaillons ensemble.
Pour revenir à votre question, il faut dire que magnifier l’arbre est très important parce que l’arbre a beaucoup de vertus. Et une seule journée n’allait pas suffire mais il faut des symboles. C’est pourquoi nous saluons ce symbole qui consiste à dédier spécialement une fête nationale à l’arbre. C’est une interpellation à toute la société pour se mobiliser pour s’engager. La question de l’arbre est vitale, nos ressources forestières sont en constante baisse. Si vous regardez les statistiques de la FAO, de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), vous constaterez que nos ressources forestières sont en train de diminuer.
C’est pourquoi, il faut des actions vigoureuses. C’est à ce titre que nous saluons cette initiative nigérienne de la fête de l’arbre. Cela interpelle la conscience collective parce que pour les questions écologiques, ce n’est pas une affaire individuelle, il faut des actions collectives pour que les gens se mobilisent ensemble pour planter mais aussi entretenir des arbres afin de changer les conditions de vie des populations. Quand vous plantez des arbres, cela va améliorer l’écosystème d’une part et d’autre part on améliore les moyens d’existence des populations.
Au Burkina, nous avons les produits forestiers non ligneux qui ont pour sources les arbres et je sais qu’au Niger, ces espèces d’arbres existent aussi. C’est dire que la célébration de la fête de l’arbre est une initiative qui va à l’avenir renforcer la résilience du peuple nigérienne.
La zone du Liptako Gourma fait face à des défis à la fois environnementaux et
de développement auxquels est venu s’ajouter le terrorisme international. Quelles sont les perspectives pour la pacification de cette zone et la prise en charge de ces défis ?
La prise en charge des défis environnementaux ne doit pas être déconnectée des autres défis. Vous avez notamment cité les défis sécuritaires mais aussi les défis de développement tout court. Il faut que, de manière consensuelle, il y ait une prise de conscience de notre génération pour que la question des défis environnementaux soit traitée. Et cela est bien décliné dans les différentes politiques de nos Etats. C’est d’ailleurs pourquoi vous avez une fête nationale de l’arbre ici au Niger.
En outre, la question des défis environnementaux est bien ressortie comme une priorité lors du premier Sommet des chefs d’Etat de la Confédération des Etats du Sahel. Cela s’explique aisément parce que si vous ne réglez pas les défis environnementaux, les défis sécuritaires vont s’imposer, parce que l’environnement c’est l’existence. Donc, quand les conditions d’existence sont fragilisées cela peut ouvrir la voie à l’installation de ce que nous avons comme crise sécuritaire.
Au niveau du grand Sahel, nous avons adopté, lors du Forum qui s’est tenu au Mali, ce que nous appelons « l’Appel de Bamako pour la sécurité climatique ». Pour arriver à cette sécurité climatique, il faut que la question des défis environnementaux soit résolue. Or au Sahel, les populations qui n’ont pas de pâturages pour leurs animaux sont exposées aux ordres des groupes armés terroristes. Mais quand, il y a suffisamment de pâturage, il y aura moins de conflits autour des pâturages.
Et lorsqu’il y a moins de conflits, les défis sécuritaires seront moindres. Comme on le dit, en matière d’environnement, c’est des opportunités. Avec les changements climatiques, il y a beaucoup de concepts mais des régions comme la nôtre doivent s’approprier ces concepts et les transformer en opportunités. Nous pensons que nous sommes dans cette dynamique. Nous le constatons au niveau du Niger et au niveau du Sahel en général, des initiatives sont en cours pour que plus jamais ces questions-là ne soient perçues comme des défis, mais des opportunités qu’il faut exploiter pour lancer le développement.
En plus de l’Autorité de développement intégré du Liptako Gourma, faut-il s’attendre à la mise en place d’autres initiatives pour la prise en charge des défis environnementaux ?
Je pense que le cadre existe. Nous avons déjà le CILSS, l’ABN, l’ALG et dernièrement la Confédération AES. L’un ne va pas remplacer l’autre. Chaque cadre a sa spécificité mais à terme c’est un mélange qui va donner une bonne sauce. La bonne sauce c’est le développement sur le plan environnemental, sur le plan économique et sur le plan social. S’il y a nécessité que d’autres cadres soient créés, ils seront créés.
Chacun va apporter sa contribution. On ne peut pas, à l’étape actuelle, le prédire. C’est avec les actions-terrains que la nécessité va s’imposer. Si vous prenez l’exemple de l’AES elle-même, c’est la nécessité de la lutte contre le terrorisme qui a prévalu à la mise en place de cette institution. Par la suite, l’assiette de ses interventions a été élargie aux questions de développement en général.
En tant que ministre en charge de l’environnement, quels messages souhaiterez-vous passer aux populations de l’AES en général et celle de la zone du Liptako Gourma en particulier dans le contexte actuel ?
Nous devons intérioriser cette évidence que de nos jours, le monde marche avec des concepts même si les questions existentielles n’ont pas changé.
A ce titre, il faut de l’eau, des terres pour la production et que l’économie tourne. Ces préoccupations existent partout, mais c’est la manière de les aborder qui change. Actuellement, au niveau international, il y a ce qu’on appelle les Contributions déterminées au niveau national sur les changements climatiques. Il faut donc que chaque pays de notre espace soit armé avec cet outil.
Actuellement, on parle de marché carbone. Ainsi, planter des arbres n’est plus simplement une question physique. Si vous plantez des arbres aujourd’hui, plusieurs années après vous pouvez vendre le carbone. Donc, les Etats de l’AES doivent prendre cela en compte et aller à l’offensive. Aller à l’offensive, c’est mener des actions concrètes sur le terrain parce que nous sommes à un tournant décisif de notre histoire. Les effets néfastes du changement climatiques sont là. Au Burkina Faso, nous avons enregistré, il y a quelques jours, une grande inondation qui a emporté des infrastructures routières et autres.
Au Niger et dans d’autres pays, ce sont des situations qui se répètent. Mais cela ne veut pas dire que c’est perdu d’avance parce qu’ailleurs dans d’autres parties du monde, c’est plus que cela. En Asie, il y a les typhons mais les pays sont résilients. Donc, nous devons tirer le meilleur profit de ces situations. Nous sommes ravis de savoir qu’au niveau des trois pays de la Confédération de l’AES, nous avons les capacités. Nous avons des ministères à part entière en charge de l’environnement, nous avons des experts qui participent à toutes les instances de décision au niveau sous régional, au niveau régional et au niveau international.
La preuve est que nous avons tenu la 42e session des ministres de l’Autorité du Bassin du Niger ici. Même si on parle des questions de bassins, donc de l’eau, il faut savoir qu’il n’y a pas d’eau sans arbre. Ce sont des éléments qui vont ensemble. Ce qui nous réconforte, c’est que cette question est prise en compte au plus haut niveau par les premiers responsables de nos pays.
A titre d’exemple, au Burkina Faso, dans le domaine du reboisement, le chef de l’Etat, le Président du Faso, le capitaine Ibrahim Traoré disait ceci : J’appelle chaque citoyen à poser un acte simple tel que planter un arbre lors de chaque événement. Vous imaginez le nombre d’événement que nous avons en une seule journée seulement. Si un arbre est planté de manière individuelle, si tous les citoyens plantent chacun un arbre lors des événements collectifs, cela va impacter positivement la question du développement. C’est pourquoi, nous devons tous et chacun planter des arbres et les entretenir surtout.
Cela parce que des gens ont planté avant nous que nous en profitons aujourd’hui. Donc, nous devons faire autant pour que les générations postérieures puissent en profiter. C’est dans cette logique qu’au Burkina Faso, nous avons un concept appelé la bataille pour le renforcement de la couverture végétale du Faso avec comme slogan « Ensemble engageons-nous pour un Faso plus vert ».
Ici, nous dirons « Ensemble engageons-nous pour une zone de l’AES plus verte » parce que c’est possible. Le Niger montre l’exemple avec la commémoration de la fête nationale de l’arbre.
On peut donc dire qu’il existe de bonnes pratiques qu’on peut partager au sein des pays membres de l’AES pour faire face aux défis environnementaux et surtout pour le bien de la communauté ?
Ah oui. Il y a beaucoup d’expériences intéressantes dans nos trois pays. Par exemple, ici au Niger, il y a cette fête nationale de l’arbre. Il en existe aussi au Burkina. Nous venons de célébrer le 22 juin dernier, notre fête nationale de l’arbre. Cet événement a également été l’occasion du lancement de la campagne de reforestation 2024. Avec cette campagne qui sera clôturée, le 31 août 2024, nous avons lancé des concepts. Comme je l’ai tantôt dit, les problèmes n’ont pas changé, c’est la manière de les résoudre qui change.
Le chef de l’Etat a donné le signal le 22 juin avec des concepts tels que « une entreprise, un bosquet ». Cette initiative consiste à définir un espace, on met un bosquet où il y a la sécurité collective, la maitrise d’eau. Dans cet espace , on peut faire la culture maraîchère avec des femmes, des jeunes notamment, et des cultures de subsistance. Il y a aussi le concept « une rue, une plantation d’alignement » parce qu’il est temps que nos rues ressemblent aux rues qui se trouvent dans d’autres continents, c’est à dire des rues bien boisées où il fait bon vivre.
Nous avons également le concept « Je reverdis mon domicile ». Vous constaterez que dans nos villages, il y a toujours un grand arbre dans les concessions où les gens se retrouvent. Cela doit être répercuté dans toutes nos localités, chacun doit planter un arbre devant sa cour. Nous constatons que le Niger est dans la même dynamique, cela aura un impact sur l’environnement. Certainement que le Mali a aussi ses initiatives.
Mais nous devons aller au-delà. Du reste, lors de cette fête de l’arbre, les directeurs généraux des Eaux et Forêts du Mali, du Niger et du Burkina vont échanger entre eux pour voir qu’est-ce qu’il faut faire en matière de foresterie ou de gestion des ressources naturelles en générale. Vous savez qu’en matière de faune, le Burkina Faso et le Niger partagent des espaces protégés notamment le parc du W et du Pandjari qui sont confluents. Nous devons les gérer ensemble, surtout dans le contexte actuel de la lutte contre le terrorisme où ces aires sont des refuges pour les terroristes.
Réalisée ONEP/Niger